Seniors et toujours actifs (3/9) : Christian Van Geetsom, le judoka de 71 ans qui n’a “pas peur de tomber”
Le longiligne Bruxellois Christian Van Geetsom (1,89 m) a parcouru le monde et a décroché… 63 médailles en catégorie vétéran.
- Publié le 21-03-2024 à 16h05
Du haut de son mètre 89, Christian Van Geetsom, kimono bleu, descend les escaliers menant au dojo du Poseidon, à Woluwe-Saint-Lambert, où les jeunes pousses du club reçoivent leur première ceinture devant leurs parents qui immortalisent l’événement en prenant des photos et des vidéos. L’ambiance est… bon enfant, à l’image d’un club comptant quelque 300 membres (l’un des plus grands de Belgique), où Christian, 71 ans, apprécie venir s’entraîner les lundi et vendredi soir, lui qui est affilié au Budo Bruxelles, à Laeken.
Petit à petit, l’antichambre du tatami, dressé tout en longueur sur trois espaces de combat, se remplit d’adultes avec quelques têtes connues comme Philippe Lauria, Osman Hanci et Tigran Sahakyan. Les deux premiers ont participé au Mondial vétérans, à Abu Dhabi, avec une médaille de bronze pour Osman et une cinquième place pour Philippe. Tigran, lui, revient au judo après cinq ans d’interruption. Mais tous, comme Christian Van Geetsom, sont les bienvenus au Judo Poseidon Ryu où ils s’adonnent à leur passion.
Monsieur Van Geetsom, comment êtes-vous venu au judo ?
”J’ai commencé le judo quand j’avais douze ans, au club N°1, rue d’Aerschot, à Schaerbeek. Et je l’ai pratiqué jusqu’à l’âge de 22 ans. Je n’étais pas très doué. J’étais ceinture marron. À l’époque, le plus gradé en Belgique était ceinture noire, cinquième Dan. J’ai arrêté quand je suis entré à l’Armée comme officier de réserve. J’ai donc coupé pendant un an et demi, le temps de mon service militaire en Allemagne. Et puis, ma carrière professionnelle m’a éloigné des tatamis. J’étais ingénieur en électronique dans une société allemande avec des déplacements à l’étranger. J’ai travaillé jusqu’à 68 ans. J’ai encore participé à quelques entraînements par-ci, par-là. Mais je le répète : je n’étais pas vraiment doué. Je l’étais plus en volley-ball grâce à ma taille.”
J’ai découvert la compétition à 40 ans et je me suis dit : Waw, ça, c’est pour moi !
Quand et comment, alors, êtes-vous revenu au judo ?
”C’est mon divorce, à 40 ans, qui m’a ramené au judo ! À l’époque, je me suis dit que ce serait bien de recommencer un sport et, comme j’avais toujours suivi le judo, j’y suis revenu en trouvant un club pour vétérans, à Ganshoren. Mais on bougeait peu, on ne tombait pas. Je me suis dit : 'Bon, ok…' Alors, comme j’étais encore ceinture marron, je me suis mis un objectif. J’ai recommencé en dessous comme ceinture bleue avec un examen à passer. Et, à l’époque, il y avait des compétitions pour ceintures verte et bleue, à Nivelles. J’y ai participé et j’ai gagné mes cinq combats ! Je peux donc affirmer que j’ai découvert la compétition à 40 ans… Je me suis dit : 'Waw, ça, c’est pour moi !' Alors, j’ai cherché un club plus compétitif et je suis arrivé au Budo Bruxelles, au Heysel, qui avait une équipe en D1 et une autre en D4 en Interclubs. Et, là, j’ai commencé à combattre en inter-équipes. En même temps, on a démarré les compétitions internationales avec un Mondial. Le premier en Grande-Bretagne, le deuxième aux États-Unis, le troisième au Japon. Moi, j’ai découvert le quatrième, en 2004, à Vienne. Et j’y ai participé ! Ce sont des compétitions par catégories de poids et par cinq années d’âge. Donc, à l’époque, j’avais 52 ans et j’étais en M5, de 50 à 55 ans. Mais j’étais aussi en -100 kg et, sur les quatre années, j’ai gagné un seul combat ! C’était contre un Italien. Pas terrible, hein.”
Racontez-nous comment les 20 Km de Bruxelles vous ont permis de gagner des combats en judo…
”J’étais donc en -100 kg et j’étais frappé par la puissance de mes adversaires. Je me suis alors mis en tête de participer aux 20 Km de Bruxelles pour perdre du poids. Et j’ai perdu huit kilos, ce qui m’a permis de descendre en -90 kg. Et ce fut une découverte. Je me sentais comme un poisson dans l’eau. À partir de là, j’ai commencé à obtenir quelques résultats, notamment en 2008, je crois. Il y eut le Mondial ici, à Bruxelles, organisé par Alain De Greef, du Crossing Schaerbeek. J’y ai décroché le bronze, ma première médaille internationale. C’était ma première année en M6, de 56 à 60 ans. J’ai commencé à m’entraîner de plus en plus. Mais ma meilleure période est, en fait, entre 60 et 65 ans.”
Participez-vous à beaucoup de compétitions ?
”Quand je ne suis pas blessé ! Chaque année, il y a un Euro et un Mondial. Mais il y a également de beaux tournois comme celui de Lille, traditionnellement en janvier. Entre 60 et 65 ans, j’ai été champion d’Europe et deux fois vice-champion du monde. Et puis, en 2018, je suis devenu champion du monde au Mexique, à 66 ans ! Je n’étais toujours pas doué, mais ma persévérance à l’entraînement m’a permis de réussir de beaux résultats. Il est vrai que je m’entraînais trois ou quatre fois par semaine et je participais à des stages, surtout en France, chaque fois que c’était possible.”
Êtes-vous nombreux lors de ces compétitions internationales ?
”Tout dépend de l’âge ! En M5, une vingtaine. En M6, une quinzaine. Ça diminue… Alors, maintenant que je suis en M9 ! Mais il y avait encore huit participants au Mondial, dernièrement, à Abu Dhabi. Je ne m’y suis pas rendu parce que j’étais blessé.”
Qu’est-ce qui vous motive encore, à 71 ans, à pratiquer le judo ?
”D’abord, il y a l’aspect physique. J’ai envie d’être en bonne condition. Je pense que c’est important. Il y a aussi l’aspect social. J’apprécie les rencontres avec les gens, les voyages ensemble. Avec l’âge, c’est pour moi de plus en plus important. Au début, je partais pour gagner. Désormais, s’il n’y a pas de copain qui m’accompagne, je n’y vais plus !”
Je passe le premier randori à observer ceux avec qui je pourrai m’entraîner !
Vous vous entraînez forcément avec de plus jeunes judokas, non ?
”En effet. Disons qu’à l’entraînement, je passe le premier randori à observer ceux avec qui je pourrai m’entraîner ou qui pourront s’adapter à moi. Inutile que je me risque avec un jeune fougueux… Je touche du bois : je n’ai jamais été gravement blessé, jamais opéré non plus parce qu’à mon âge, quand on commence avec ça, c’est souvent impossible de revenir. Il faut avoir de la chance. Et puis, j’attache beaucoup d’importance au cardio parce qu’il faut tenir une heure et demi dans un entraînement. Je pense, surtout, qu’il ne faut pas avoir peur de tomber. Même à 71 ans, c’est mon cas.”
Combien de fois vous entraînez-vous par semaine ?
”En judo, trois fois par semaine ou alors lors de stages le week-end. J’essaie aussi de courir deux fois par semaine pour entretenir ma condition physique. Et, auparavant, je me rendais encore à la salle de muscu. Mais je n’aime pas du tout ! J’y vais encore une fois par semaine, mais pas plus.”
Le judo, vous vous y intéressez en dehors de votre carrière ?
”Oui ! Je regarde les compétitions sur Internet, sur Judo Tv où j’ai un abonnement. Surtout les -90 et les -100 kg, bien entendu. Les -81 kg aussi avec Matthias Casse.”
Le judo vous a amené partout dans le monde.
”On peut le dire comme ça. Et tout à mes frais. L’inscription au Mondial coûte 150 euros, par exemple. Sans compter l’avion, l’hôtel, le resto. Il faut être passionné et avoir les moyens. Je connais des judokas français, plus forts que moi, qui ne participent pas pour des raisons financières. A contrario, le Kazakhstan a envoyé 150 vétérans au Mondial, au frais de la fédération.”
Quel est le judoka que vous admirez le plus ?
”Ono ! Incontestablement. Double champion olympique en -73 kg. Et Nagase aussi. Champion olympique en titre en -81 kg. Ils représentent le judo à l’état pur. Mon plus grand regret est de n’avoir jamais été au Japon, même si les Japonais n’ont pas cette tradition de vétérans en compétition. Ils préfèrent transmettre leur savoir comme Senseï. Ceci dit, quand il y en a un, il bat tout le monde !”